jeudi 8 octobre 2009

Et Cassavetes créa Mabel

Une Femme sous influence

(A Woman under the influence)

John Cassavetes (1974)

Avec : Gena Rowlands, Peter Falk, Fred Draper, Lady Rowlands, Katherine Cassavetes...






Je vais tenter de vous parler de ce que je considère comme un des plus beaux rôles de femme jamais vu à l'écran !

Ceci dit, l'expérience est périlleuse...

Comment parle-t-on d'un film qu'on aime au delà de tous les mots ?

Comment parle-t-on d'un film qu'on porte aux nues ?

Comment parle-t-on d'un réalisateur qu'on admire au delà de tout et d'une actrice (qui est aussi sa femme) qui livre ici une interprétation à couper le souffle ?

Délicat hein ?

Oui, moi aussi je me demande comment j'ai pu me fourrer volontairement dans un pareil pétrin !

La meilleure solution pour vous parler de ce chef d'oeuvre, serait sans doute de vous dire de vous ruer chez votre vendeur de DVD le plus proche, d'acquérir en urgence cette merveille, de rentrer chez vous en courant, de décrocher le téléphone, de fermer les portes à clef, de n'y être pour personne et... de placer le DVD dans le lecteur pour vivre une des plus belles expériences cinématographiques de votre vie.

(D'ailleurs, je suis à deux doigts d'arrêter là mon article et de vous proposer cette solution... )


Mais comme j'aime le risque (yeah !) je vais tenter l'impossible... vous donner un avant goût du paradis, certes bien fade, en vous racontant une petite histoire.

Alors, il était une fois...

Mabel (Gena Rowlands) est une maman et une épouse en apparence comblée. Son mari Nick (Peter Falk), un homme simple, l'aime malgré la douce folie qui la caractérise.

Mais Mabel a de plus en plus de mal à trouver sa place de femme et elle sombre lentement dans une forme de folie que son mari n'arrive plus à accepter.

Enjouée et ne se trouvant un rôle motivant que dans le plaisir qu'elle peut apporter aux autres, Mabel commence à en faire trop, mettant ses voisins, son mari et les collègues de celui-ci mal à l'aise. Totalement perdue, elle tentera même de se retrouver dans les bras d'un homme ramassé au hasard d'une errance dans les bars, mais en vain....

Je ne vous raconte pas la suite... un film d'une telle beauté ne se dévoile pas jusqu'au bout. Il se découvre et se savoure.

A quoi tient la magie du film, mis à part à son histoire ?

Et bien, tout d'abord à la majestueuse interprétation de Gena Rowlands.

John Cassavetes, son mari, lui fait cadeau ici d'un rôle magnifique qu'il a tout spécialement écrit pour elle et elle campe une Maybel époustouflante.


Gena Rowlands a beaucoup travaillé sur ce personnage et lui a beaucoup apporté, à commencer par cette gestuelle parfois aussi drôle qu'émouvante. Quand Maybel est submergée par ses émotions, elle ne peut plus parler et se lance dans des gestes et des bruits saugrenus visant à montrer son mécontentement.

Là où n'importe qui d'autre aurait pu faire tourner ça au ridicule, Gena Rowlands ne fait que souligner un peu plus la différence de Maybel et son incapacité à communiquer avec un monde où la "normalité" est une valeur aussi rassurante que galvaudée.

Maybel/Gena est belle, même en robe de ménagère... Maybel/Gena est perdue et on est ému par sa détresse... Maybel/Gena est une douce-dingue et on sourit à ses excès... Maybel/Gena est hystérique et notre estomac se tord face au manque de compréhension ambiant.

Assurément un des plus beaux rôles de femme du cinéma... beaucoup d'actrices tueraient pour un rôle pareil !


Côté interprétation, il faut également saluer celle de Peter Falk.

Vous le connaissez en Columbo ?

Oubliez tout et révisez d'urgence votre copie !

Ce monsieur est un grand acteur. Il fait partie de "la famille Cassavetes" et le réalisateur l'a dirigé notamment dans l'excellent Husbands.

A noter également la participation de Lady Rowlands (la mère de Gena Rowlands) qui joue la mère de Mabel et celle de la mère de John Cassavetes, Katherine, qui joue la mère de Nick.



Mais la grande magie du film s'appelle aussi tout simplement John Cassavetes.

Artiste d'exception, ce film n'échappe pas à la règle de sa filmographie... il est fabuleusement habité par son immense talent.

Habitué à travailler avec sa famille d'acteurs, il réussit encore une fois ici à créer une ambiance unique... une ambiance emprunte d'un réalisme et d'un naturel dont lui seul a le secret.

Certaines scènes, bien que solidement quadrillées, sont improvisées. Celle du repas dans la cuisine où Mabel met les collègues de son mari mal à l'aise est un grand moment de cinéma !

Et à travers cette femme, qui est la sienne, Cassavetes s'interroge sur la normalité... sur la vision de la normalité par la société.

Maybel a-t-elle vraiment un comportement si condamnable alors que tout ce qu'elle recherche est de distiller le bonheur autour d'elle ?

Et je ne peux m'empêcher de penser que Maybel nous rappelle aussi que la frontière entre normalité et folie est ténue et que personne n'est jamais à l'abris d'un faux pas.


Mais bien entendu, Cassavetes s'interroge aussi ici sur la place de la femme dans une société où elle doit assumer de multiples rôles : être une mère irréprochable, une épouse exemplaire, une parfaite voisine et, de surcroît, trouver sa place de femme au milieu de tout ça. Et c'est précisément cette essence même de sa personne que Maybel ne trouve plus.


Bref, en conclusion je répéterais encore et encore que Une Femme sous influence est un film formidable... un film comme on en voit peu... un film que je ne peux pas ne pas revisionner régulièrement.

Ce film fait certainement un peu parti de moi et caractérise aussi sans doute grandement tout ce que j'aime dans le cinéma : le cinéma comme vecteur de réflexion et d'émotions.

A voir d'urgence... faites-moi confiance, faites-vous plaisir... ouvrez grand votre âme et savourez...




4 commentaires:

  1. Aucune bande-annonce meilleure possible pour illustrer ton article !
    Pour le peu que l'on puisse voir (et en s'imaginant plus profondement dans le film), on note effetivement un très bon Peter Falk. On va encore me huer, mais OUI, je n'avais jamais vu Gena Rowlands dans un film... Elle m'a tout simplement l'air exceptionnelle...

    Bon, si le pari de Ms Fatale était de me faire dépenser mon argent dans des achats de DVD, il est réussi...

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  2. @Monsieur Tout-le-Monde : tu me fais rire :p
    (suis-je si prévisible ?)

    @Jules : tu vas adorer ;)

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  3. *s'en va de suite trouver ce film*


    *revient*



    Ms Fatale, je t'aime

    *fizzzzzzzzzz*

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