dimanche 11 octobre 2009

L'OVNI cinématographique

L’Homme qui venait d’ailleurs

(The Man who fell to Earth)

Nicolas Roeg (1976)

Avec : David Bowie (Thomas Jerome Newton), Rip Torn (Nathan Bryce), Candy Clark (Mary-Lou)









Il est des films qui ne ressemblent à aucun autre et sur lesquels les modes ou les époques ne semblent avoir aucune prise. L'Homme qui venait d'ailleurs (The Man who fell to Earth), réalisé par Nicolas Roeg en 1976, est justement de ceux-là...


Si le réalisateur avait tout d'abord pensé à l'auteur Michael Crichton (sic ! ) pour interpréter le rôle de l'extra-terrestre/Thomas, il échoit finalement à David Bowie et on a envie de dire "HEUREUSEMENT !!!!!"

En 1976, la rock star, icône du glam est à l'apogée de sa carrière et de son étrange beauté. Il vient d'achever l'album Young Americans, laissant ainsi les spectres de Ziggy et du Thin White Duck derrière lui et alors que Station to Station sort la même année que ce film, il s'apprête à entamer sa "période berlinoise" avec Low (sur la pochette duquel, il arborera le même look que dans le film) et Heroes.

Personnalité caméléon et insaisissable, il est l'homme rêvé pour interpréter cet extra-terrestre qui vient sur Terre pour chercher l'eau qui manque à sa planète et ainsi sauver sa femme et ses enfants qui attendront en vain son retour.

C'est en observateur naïf, blasé et passif qu'il découvrira la folie humaine et en subira les conséquences... en étant tour à tour victime de la consommation, puis cobaye scientifique.



David Bowie est l'élément primordial de ce film, car c'est à travers ses yeux d'étranger que la critique de la société et de la nature humaine prend toute sa valeur. La perversion humaine arrive peu à peu à détourner ce grand naïf d'un but pourtant vital (sauver sa famille de la mort) et son jeu et sa personnalité qui irradie à l'écran confèrent encore plus de cruauté aux propos du film. L'être exceptionnel au but louable se laisse peut à peu pervertir par la sex, drug and rock'n'roll attitude ambiante et se perd à tout jamais en perdant un instant de vue sa mission.... l'opposition entre l'eau (le but : l'élément naturel et vital) et le pouvoir (le faux pas : l'élément qui pervertit l'âme humaine) achève de brosser la critique acide et scinde le film en plusieurs scènes antinomiques qui se font écho (Bowie se délectant de l'eau en observant naïvement la richesse du paysage vs Bowie buvant du champagne à même le canon d'un flingue avant une orgie).



Bowie ! Oui, on ne peut revenir qu'à lui, tant le film lui correspond et permet de mettre en abîme une personnalité (tout du moins à cette époque) totalement incernable. Expert dans l'art de la mystification (et du marketing musical avant l'heure), il a tenté durant toute sa carrière de brouiller les pistes pour mieux construire une légende. Et c'est le clone du Ziggy désabusé des Spiders from Mars que l'on voit évoluer à l'écran, malgré nous. Les mèches rousses ont poussé et tombent (délicieusement ) sur les yeux, les tenus sont plus discrètes (voir totalement inexistantes, puisqu'il est souvent à poil), mais la tendance à l'auto destruction du personnage est bien là. Et Nicolas Roeg ne se gêne pas pour filmer très crûment la déchéance d'E.T. Que ce soit à travers les paysages, magnifiques, au début du film ou lors de la semi-captivité outrageusement décadente de Thomas, la caméra n'épargne ni les comédiens, ni les spectateurs. La mise à nu de la critique est d'ailleurs magnifiquement symbolisée par le "dépouillage" de Bowie qui, enlevant tous les atours qui lui permettent de se faire passer pour un humain, veut se montrer tel qu'il est réellement à sa compagne humaine. La réaction de cette dernière ne laisse aucun doute sur le propos du film : la vérité toute nue fait peur à s’en pisser dessus.

Mais par contre, L'Homme qui venait d'ailleurs fascine... hors du temps et de la critique… donc, indémodable.

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